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15 mai 2023 à 7 h 06 #8350
Emploi des femmes : « Il faut créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels » I Le Monde – 22 avril 2023 – Tribune de Brigitte Grésy
Emploi des femmes : « Il faut créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels »
Pour parvenir à une véritable mixité dans le monde du travail, et en particulier dans les espaces de gouvernance, le code civil et le code du travail doivent être amendés, estime Brigitte Grésy, experte des questions d’égalité, dans une tribune au « Monde ».
Tribune de Brigitte Grésy Publiée le 22 avril 2023 à 18h30
Les métaphores du plafond de verre rendent mal compte de la place des femmes dans le monde du travail. Les hommes, agglutinés dans les lieux de pouvoir, occultent en réalité totalement la lumière – même si, aujourd’hui, filtrent enfin quelques lueurs du ciel grâce aux évolutions de la population cadre féminine et aux quotas. Et parlons plutôt de murs de béton, car, excepté dans les métiers du numérique, rien ne bouge : sur 87 familles de métiers, seules 13 peuvent être considérées comme mixtes, c’est-à-dire comportant 40 % d’un sexe donné. L’image de deux ascenseurs me semble plus adaptée. Celui des hommes est moderne, rapide et bien huilé ; celui des femmes est grippé par un mal qui ronge et coince les rouages à tous les étages, le sexisme.
Et c’est à l’étage le plus haut que cela coince le plus, celui de la gouvernance : un espace occupé par les « hommes du 6e étage », pour parodier le titre du film de Philippe Le Guay Les Femmes du 6e étage (2011) – nous opérons là un renouvellement de la sociologie des immeubles, puisque cet espace était autrefois dévolu au personnel domestique. La charge même de l’ascenseur des femmes diffère au fil des ans : voilà qu’à 30 ans montent les enfants et, à 50 ans, les parents âgés, dont elles doivent s’occuper.
Quels que soient les secteurs, les femmes s’éclipsent au fil des étages : si l’on compte 50 % de femmes dans une organisation de travail, il ne reste plus que 35 % de femmes cadres supérieures et 15 % de cadres dirigeantes. L’opting out, c’est-à-dire le fait de partir en renonçant à des postes de pouvoir, renforce ce phénomène et montre que les femmes veulent jouer à un autre jeu : pas seulement gagner leur vie, mais valoriser le capital humain et être citoyennes du monde. Cette fuite des talents doit interroger sur notre modèle de gouvernance.
Passage obligé
Alors que faire ? Conserver le modèle actuel mais le rendre plus inclusif pour les femmes, grâce aux quotas, à l’attention portée aux biais de genre dans les procédures formelles et informelles de gestion des carrières ? S’attaquer au sexisme ordinaire en entreprise ? Certes, cela est indispensable, mais encore insuffisant. Seule issue : créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels.
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En effet, les régimes matrimoniaux sont des contrats portant sur l’argent, mais jamais sur le temps, qui est pourtant une ressource fondamentale. L’argent est du côté des hommes et le temps du côté des femmes : l’un vaut quelque chose, et le droit s’en mêle ; l’autre ne vaut rien, et le droit n’y touche pas, car il apparaît comme relevant du domaine du don, de la gratuité, comme une ressource féminine qui n’a pas de prix.
Et, pourtant, lors d’une mise en couple, les hommes font, du jour au lendemain, une demi-heure de ménage quotidien en moins. Se mettre en ménage pour une femme, c’est faire le ménage, nous dit le sociologue François de Singly. Les enquêtes « Emploi du temps » de l’Insee montrent également que la répartition du temps dans la sphère privée bouge très peu.
A chaque mise en couple, le contrat sur le temps devrait être un passage obligé des paroles de l’officier d’état civil qui procède à l’union des conjoints. Non pas sous forme d’invitation à un partage égal qui, en plus de sa formulation sans doute trop intrusive pour certains, renverrait à une épuisante discussion quotidienne d’attribution des tâches, mais à un partage équitable. C’est donc à un nouveau contrat sexuel, pour reprendre l’expression de la politologue anglaise Carole Pateman, qu’il nous faut travailler.
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Et, pour cela, pas de meilleur vecteur que le code civil, notamment en son article 212 sur les obligations des futurs époux, qui pourrait être modifié ainsi : « Les époux se doivent mutuellement respect, fidélité, secours, assistance et partage équitable du temps familial et domestique. » Certes, le nombre de mariages diminue sans cesse, mais cette accroche permet de poser le sujet. Côté professionnel, le modèle du pouvoir doit changer. La charge doit s’équilibrer dans les deux ascenseurs, non pas au titre de ce qui serait masculin et féminin, mais au titre d’une bonne gouvernance, neutre et ouverte à tous et toutes. Aucune qualité n’est genrée, et les compétences n’ont pas de sexe.
Nouveau critère
Pour modifier l’exercice du pouvoir, il convient d’inclure parmi les qualités attendues chez les manageurs (énergie, charisme, sens de la stratégie, courage, prise de décision) des qualités connotées comme féminines : empathie, verbalisation des problèmes, attention portée aux collaborateurs. Autrement dit, tout ce qui est de l’ordre de l’« industria » (le zèle porté à l’accomplissement de la tâche) ou plus largement de ce qu’il conviendrait de nommer « le care professionnel » (c’est-à-dire la capacité à s’occuper d’autrui et à lui porter attention dans le cadre professionnel). Mais, là encore, sans doute faut-il légiférer sur la gestion de la ressource du temps, en prenant en compte la solidarité et le soin à autrui, et cela non seulement pour les manageurs mais pour l’ensemble des personnes travaillant dans une organisation.
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https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/02/si-le-monde-a-une-chance-de-rester-vivable-a-la-fin-de-ce-siecle-ce-sera-grace-aux-femmes_6167936_3232.html
Quoi de plus opportun en ce sens que de modifier l’article L. 3221-4 du code du travail sur la définition du travail à valeur égale ? Il suffirait d’ajouter à la liste des critères requis la notion de « care professionnel », qui permettrait de valoriser l’interdépendance des travailleurs entre eux, non seulement au sein d’une organisation mais entre les différents métiers. « Sont considérés comme ayant une valeur égale les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l’expérience acquise, de responsabilités, de charge physique ou nerveuse, et de solidarité au travail. »Lire aussi : Dans la finance, « au rythme actuel, il faudra 140 ans pour atteindre la parité »
Ce sont tous les métiers du lien qui en bénéficieraient, entraînant un bouleversement des grilles de classification et valorisant la notion d’équité, si chère aux Canadiens. Et, plus globalement, toutes les personnes qui prennent sur leur temps pour être solidaires et attentives à autrui dans le cadre de leur travail se trouveraient reconnues par ce nouveau critère. Ainsi, les deux ascenseurs pourront circuler au même rythme et avec la même charge, sans spécification sexuelle : on ne parlerait plus des hommes du 6e étage ni des femmes du 6e étage, mais des personnes du sixième étage.
Brigitte Grésy est experte des questions d’égalité et de sexisme et ancienne présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes. Elle a notamment publié « Petit traité contre le sexisme ordinaire » (Albin Michel, 2009).
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transmis par :Alain CLOCHE
Consultant indépendant, Veille Informationnelle et Gestion de l’Intelligence Économique « VIGIE Voltaire » (adhérent du SYNFIE Syndicat Français de l’Intelligence Économique)
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